« Il est devenu urgent d’éco-construire et nous sommes fiers d’inaugurer le 7 juin prochain une école bioclimatique au Maroc »
Lorsque je photographie la terre, je veux
montrer l’incroyable diversité des paysages mais aussi l’empreinte de
l’Homme sur la nature. Cette empreinte est visible surtout dans les
constructions urbaines. Au Maroc, dans certaines régions du Sud, j’ai
découvert une empreinte n’ayant aucun impact négatif sur
l’environnement, contrairement aux bâtiments modernes. Il s’agit des
constructions traditionnelles en pisé. Elles sont d’une rare beauté mais
disposent surtout de qualités intrinsèques uniques. En effet, ces
constructions tirent le meilleur parti d’un matériau aux atouts
multiples et dont la population dispose localement en abondance : la
terre. Elles sont construites pour et par les communautés locales,
requièrent peu d’énergie dans l’étape de fabrication et ne génèrent
aucun déchets. Une fois construites, ces maisons ne nécessitent pas de
chauffage ni de climatisation : elles refoulent la chaleur l’été et
modèrent la température l’hiver.
Aujourd’hui, avec mon équipe, j’ai voulu
montrer que des écoles peuvent aussi être bâties en pisé. Nous
inaugurons le 7 juin une école bioclimatique, à Skoura dans les
contreforts de l’Atlas, en zone périurbaine d’une ville où les écarts
thermiques sont très élevés entre l’hiver et l’été (certaines années, on
relève 2 à 3 degrés en janvier et 48 à 49 degrés en août). Cette école a
été construite en pisé et en adobe en y intégrant la technologie
moderne d’une manière simple. Trois salles de classe en terre crue aux
murs très épais sont disposées de façon triangulaire et séparées par des
espaces extérieurs couverts et arborisés. Un jardin d’enfants attenant a
été érigé en adobe en forme de double ellipse pour l’aspect ludique.
Les toits ont été construits de manière traditionnelle avec du roseau et
du bois, couverts d’une épaisse couche de terre. Le confort climatique y
est garanti grâce à une ventilation naturelle permettant à l’air de
circuler librement entre le toit et le plafond et grâce à l’utilisation
de la terre des murs faisant barrière à la chaleur en l’absorbant l’été
pour mieux la restituer l’hiver . Tous les prestataires (mâalems,
maçons, menuisiers, ferronniers, …) sont originaires du lieu.
L’architecte vit sur place. La communauté du quartier s’est organisée
pour fonder une association responsable de l’entretien de l’école.
L’école aussi est équipée par des associations marocaines (livres et
matériel informatique) et par le Ministère de l’Education nationale
(mobilier), que je remercie ici chaleureusement pour son soutien
inconditionnel dès le démarrage de ce projet. Cette école n’aurait pas
vu le jour sans le financement de l’entreprise Colas, bâtisseuse de
routes au Maroc et dans le monde.
Je voudrais encourager tous les acteurs
concernés à préserver et à valoriser cet habitat traditionnel unique,
que certains réhabilitent aussi dans certains départements français, en
Isère et en Normandie par exemple. Les bâtiments en béton nécessitent
beaucoup d’énergie : climatisation l’été, chauffage l’hiver, transport
des matériaux de construction, gestion des déchets. A l’heure où la
facture énergétique ne va cesser d’augmenter, il est maintenant apparu
urgent d’ « éco-construire ».
Yann Arthus-Bertrand